Pieds Leches Par Les Chevres
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En 1892, l'affaire subit une nouvelle transformation dans une chronique amusante de Francisque Greppo[9] : Lièvre dit Chevallier, cet employé modèle de la préfecture du Rhône, qui empoisonnait ses légitimes ou les faisait gaiement mourir de rire en leur chatouillant la plante des pieds (...). En réalité, Lelièvre dit Chevallier a été jugé pour une série de crimes (empoisonnement, infanticide, enlèvement...) en 1820 par la cour d'assises du Rhône, et n'a jamais recouru au chatouillement pour faire disparaître ses différentes épouses, qu'il faisait plutôt mourir progressivement en les empoisonnant[10].
La description qu'il en fait, plutôt glaçante[Note 47], nous emmène bien loin de l'idée amusante d'un chatouillement provoquant des rires convulsifs. Il ne s'agit non pas de chatouiller, mais de provoquer des lésions graves et mutilantes, des plaies aggravées par un frottement continu. Les autres juristes qui mentionnent l'emploi de la chèvre ne s'en départissent pas. Döpler en cite principalement deux : Francesco Bruni et Hippolyte de Marsiliis (it), et émet quelques doutes concernant un troisième auteur : Hortensius Cavalcanus. Mais il ajoute trois autres sources : le traité médico-légal de Paul Zacchias, un traité sur le sel de Bernardino Gómez Miedes (es) et L'histoire de la Hongrie d'Antoine Bonfin où il est question du fameux Dracula. Ce dernier avait, selon Döpler, coutume de faire taillader la plante des pieds de ses prisonniers turcs, avant de les faire recouvrir de sel et de les donner à lécher aux chèvres, afin d'augmenter leurs tourments [Note 48].
On se souvient que Döpler émettait quelques réserves au sujet de Cavalcanus. En effet, Hortensius Cavalcanus (1558-16..)[58], jurisconsulte peu connu de Fivizzano, dans son De Brachio Regio, publié en 1605, abordant le cas des crimes les plus graves, où les aveux doivent être obtenus de toute urgence, signale deux tortures pouvant alors s'appliquer, dont la seconde est décrite ainsi : sed hircum vivum appendere pedibus torti, nunquam vidi, nec approbabo ( mais attacher un bouc agité aux pieds du torturé, je ne l'ai jamais vu faire, ni ne l'approuve )[59], ce qui est assez imprécis. Un autre auteur, citant ce même passage de Cavalcanus, qualifie cette méthode de bizarre [60]. Döpler la signale avec hésitation, à la fin de son point consacré au Tormentum cum capra, en se disant perplexe. Rien ne dit, en effet, qu'il s'agissait de faire lécher les pieds du patient. Si Cavalcanus prend la peine d'employer l'épithète vivum, on imagine plus facilement l'intention d'exposer le malheureux aux ruades de l'animal, ce qui relève d'une cruauté inconcevable, et rappelle l'antique supplice de Brunehaut. Les propos de Cavalcanus, qui justifie que l'on emploie des moyens atroces pour les pires criminels, mais s'imposant toutefois une limite à la barbarie, n'est pas sans rappeler l'ambiguïté des juristes, et des médecins qui éclairaient leur jugement, vis-à-vis de la torture, l'estimant à la fois nécessaire et utile - ce que d'autres contestaient - tout en affectant une certaine mesure, et une répugnance pour des méthodes qu'ils qualifiaient d'indignes .
Antonio Bonfini (1427-1502), homme de lettres, est appelé à la Cour de Bude où résident le roi de Hongrie, Matthias Corvin et la reine Béatrice. Nommé historiographe de la cour, il est chargé d'écrire une vaste Histoire de la Hongrie[65], à laquelle il s'attelle entre 1488 et 1495, publiée plus tard à Bâle en 1543. Il y insère une série d'anecdotes sur Vlad III, voïvode de Valachie, appelé Dracula, c'est-à-dire le Dragon . Ce surnom rappelle son appartenance à l'Ordre du Dragon créé au début du siècle pour protéger la chrétienté face aux Ottomans. Mais Vlad III est arrêté par Mathias en 1462 et emprisonné. Depuis sa chute, plusieurs récits circulent sur le compte de ce prince, lui attribuant une série d'actes de cruauté. Selon l'historien François Cadhilon, cette propagande a pour but de justifier aux yeux de l'Occident l'arrestation de celui qui fait figure de Défenseur de la Chrétienté [66]. Bonfini ajoute au corpus déjà constitué d'autres anecdotes, avec son lot de crimes barbares, qu'il est seul à rapporter. Selon l'historien Matei Cazacu, ces ajouts tardifs témoignent d'une certaine lassitude à la Cour de Bude pour des récits passés de mode qu'il s'agit de renouveler. Parmi ces nouvelles anecdotes, figure celle où les prisonniers turcs doivent subir le supplice où des chèvres lèchent leurs plantes de pieds, au préalable écorchées et enduites de sel[67],[Note 58]. Cazacu présume que seule la Cour de Bude a pu être la source des faits racontés par Bonfini. Ce passage est ensuite reproduit intégralement par Sébastien Münster (1489-1552) dans sa célèbre Cosmographie universelle, publiée à Bâle en 1544[68],[Note 59], une année seulement après la publication de l'ouvrage de Bonfini.
La journaliste Irene Thompson signale que la torture du chatouillement serait connue des Chinois, et aurait été mise en pratique sous la Dynastie Han, mais serait contestée par les historiens[75],[Note 65]. L'anthropologue Margaret Mead aurait, d'après un magazine américain, attribué aux Chinois un supplice du chatouillement où du miel aurait été répandu sur la plante des pieds des torturés pour être ensuite léché par des animaux. Mais l'article ne cite pas de référence précise[36],[Note 66].
En 1869, on lit dans le journal à sensation Illustrated Police News, qu'un dénommé Michael Puckridge, habitant de Winbush, un hameau du Northumberland, dans le nord de l'Angleterre, sous prétexte de soigner les varices de sa femme, a ligoté celle-ci sur une planche fixée sur deux chaises pour lui chatouiller la plante des pieds sans interruption avec une plume, la conduisant à un état de frénésie jusqu'à l'évanouissement[Note 68]. Selon l'article, accompagné d'une gravure illustrant la scène, l'épouse infortunée aurait à la suite de ce traumatisme été admise en maison de repos[78],[79],[Note 69]. La scène représentée par l'illustrateur, pure vue d'artiste, évoque bien plus la haute société londonienne qu'un petit village perdu aux confins de l'Angleterre et de l'Écosse, d'après le riche intérieur (mobilier, boiseries) et les élégantes toilettes des deux personnages[Note 70].
Le premier jeu imposé par le sergent SS et ses hommes consistait à chatouiller leur victime, avec des plumes d'oie, sous la plante des pieds, entre les jambes, sous les aisselles. Au début, le prisonnier se força à rester silencieux, tandis que ses yeux frémissaient de peur et que les SS le tourmentaient à tour de rôle. Enfin, ne pouvant plus résister, il finit par rire à gorge déployée, d'un rire qui s'est rapidement transformé en un cri de douleur.
Si l'on fait la synthèse des différents éléments tangibles réunis dans le présent article, une torture ou un supplice du chatouillement ne semble pas être réellement attestée dans les sources. Son emploi hypothétique pendant la Guerre des Cévennes ou par les Frères de Moravie repose sur des mentions non documentées : seul Catrou la situe chez les Frères de Moravie, seul Haller la situe chez les Trembleurs des Cévennes, à partir sans doute d'anecdotes peu fiables. Le récit du Simplicissime n'est pas à prendre comme un témoignage historique, mais s'inscrit dans un style littéraire d'allure humoristique : il s'agit plutôt, pour l'auteur, de mettre en relief la naïveté d'un personnage qui ne perçoit pas la réalité des évènements. La torture du scarabée ne produit pas le chatouillement décrit par Fodéré. Il reste celle de la chèvre, qui conserve une ambiguïté : les criminalistes décrivent un stade ultime bien éloigné d'un quelconque chatouillement et dont on a vu les effets inhumains. Quant au premier stade, certains auteurs le jugent incommodant sans fournir plus de précision. On note une certaine contradiction entre ceux - nombreux - qui la présentent comme sans danger pour l'intégrité du corps, tout en la qualifiant d'atroce (et même d'atrocissimum), et ceux qui nous parlent de lésions extrêmes où les chairs sont retirées jusqu'à mettre les os à nu, dont on ne voit comment elles ne pourraient pas laisser de séquelles. Pour Döpler, le patient ne peut d'ailleurs plus, après cela, se servir de ses pieds. Aussi Zacchias précise-t-il que cette torture ne cause aucun dégât corporel à condition qu'elle soit arrêtée à temps. Selon lui - et il est le seul à le préciser - avant même d'être arrivé à ce stade, le commencement serait en lui-même incommodant, procurant du dégoût ou de l'aversion (taedium). Cette incommodité initiale doit-elle être assimilée au chatouillement Aucun auteur ne le précise. Seul Zwingler parle d'un rire sardonien allant jusqu'à l'évanouissement . Seulement Zwingler n'écrit pas dans le cadre d'un traité judiciaire, ou médico-légal, et il situe même cette torture de la chèvre parmi celles de l'antiquité ou des pays lointains, renvoyant d'ailleurs aux anecdotes de Bonfini sur Dracula, ce qui laisse entendre que sa description ne lui est pas parvenue via les pratiques judiciaires de son temps, mais par des récits colportés. Enfin, la médecine, depuis le début du vingtième siècle, ne croit pas à un danger que représenterait le chatouillement.
Dans cette pantomime, Pierrot rentre chez lui après l'enterrement de Colombine qu'il a assassinée en la chatouillant. Sombre, il se remémore l'assassinat et revit toute la scène : il ligote, de façon imaginaire, sa femme sur son lit, et la chatouille sous la plante des pieds jusqu'à la mort, se jetant lui-même sur le lit pour mimer les contorsions et l'agonie de la suppliciée[85]. Paul Marguerite interprète cette pantomime le 2 mars 1888 au Théâtre-Libre, accompagnée d'une musique de Paul Vidal. Plus d'un siècle plus tard, la compagnie Le Mat ressuscite cette œuvre au festival d'Avignon en 2016. 153554b96e
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